La Libra de Facebook fait actuellement la une de l’actualité économique mondiale. Elle était ainsi au cœur des préoccupations lors de la réunion entre ministres des finances et banquiers centraux du G7, à Chantilly (Oise). Au même moment, la Chambre des représentants et le Sénat des États-Unis auditionnaient longuement David Marcus, le responsable pour Facebook de ce projet de monnaie numérique.
Le projet de crypto monnaie Libra basé sur la technologie de la Blockchain rencontre de nombreuses critiques à travers le monde, et cela pour plusieurs raisons.
Les politiques craignent ce qu’une entité comme Facebook, qui a déjà connu des difficultés en matière de traitement des informations confidentielles, pourrait faire lorsqu’elle traite de l’argent pour une population de plus de deux milliards de clients. Aucun pays, à l'exception de la Chine et de l'Inde, qui ont d’ailleurs interdits les crypto monnaies, ne compte plus d'un milliard d'habitants.
La crainte majeure de ces entités est que des contrôles, soigneusement mis en place sur plusieurs décennies, pourraient désormais être contournés avec Libra. Ainsi, selon le ministre des finances français, Bruno Le Maire, tout système de paiement mis en place par Facebook doit être réglementé et respecter les mêmes normes de blanchiment d’argent que celles qui s’appliqueraient pour n’importe quelle devise. Cette crainte rejoint celle des législateurs, des banquiers, des décideurs politiques aux États-Unis et au Royaume-Uni et récemment du Fonds Monétaire International concernant la Libra. Tous ont souligné que la Libra pourrait permettre le blanchiment de capitaux, déclencher une instabilité économique et diminuer l'importance des monnaies nationales.
Même les défenseurs des crypto monnaies émettent des doutes sur les capacités de Facebook à gérer la Libra. En effet, Facebook n’a aucune expérience en tant qu'institution financière et n'a pas encore prouvé qu'il avait tiré les enseignements nécessaires de ses défaillances en matière de sécurité des données. Facebook devra tirer des leçons de ses propres expériences avant de pouvoir faire progresser l'adoption de la crypto Libra et ne peut ignorer les obstacles et menaces qui pèsent sur Libra : problèmes potentiels de confidentialité, attaque des serveurs Facebook… et qui seraient catastrophiques. En effet, les médias sociaux sont une chose, mais lorsqu'il s'agit d'argent, comme dans le cas d'une banque ou d'un service de paiement, les problèmes sont aggravés de manière exponentielle. Dès qu'un site internet financier est mis en ligne, il est soumis à de nombreuses attaques extérieures qui tentent d’en forcer l’entrée. Est-ce que Facebook / Libra sera un jour suffisamment prêt pour ce type d’attaque ?
Cependant Facebook a lui aussi un argumentaire pour maintenir son projet face aux nombreuses critiques et idées reçues sur la Libra. En effet, David Marcus a parlé de l’inévitabilité d’un service mondial inspiré du modèle de la Libra,
«je pense que si les États-Unis ne dirigent pas l'innovation dans le domaine de la monnaie numérique et des paiements, les autres le feront. Si nous n'agissons pas, nous pourrions bientôt voir une monnaie numérique contrôlée par d'autres dont les valeurs sont radicalement différentes. »
Marcus évoque ainsi l’éventualité d’une « guerre de l'innovation dans les paiements », ce qui pourrait créer davantage de tensions internationales, en faisant allusion à des pays comme la Russie ou la Chine qui ont toujours voulu supplanter la domination du dollar. La technologie de la blockchain pourrait leur fournir une solution acceptable.
Pour les défenseurs de la Libra, ce projet serait aussi un moyen pour aider les populations non bancarisées, soit environ 1,7 milliard de personnes. Mais cet argument pourrait bien devenir la faiblesse de la Libra. En effet, de nombreux consommateurs ne peuvent pas accéder aux services financiers par manque de preuves d'identification, ce à quoi la Libra aura du mal à faire face.
Les arguments de Facebook en faveur de la Libra, promettant le respect des régulations internationales et la non déstabilisation des marchés n’a pour le moment pas convaincu les grandes entités politiques et économiques mondiales, alors même que son lancement était initialement prévu pour 2020.