Depuis quelques années, un phénomène important est en œuvre dans le monde de la finance globalement et des marchés en particulier. Ce phénomène s’intensifie de jour en jour. Il s’agit de l’automatisation et de l’utilisation de programmes informatiques dans les salles de marché des banques et autres sociétés financières.
Avant… et après
Voilà ce qu’on entendait et voyait “avant” : trader, bonus, cash, Ferrari, Lamborghini, luxe, train de vie à cent à l'heure, Rolex, filles en bikini sur des bateaux à St-Tropez… Et voilà ce qu’on entend depuis quelque temps et de plus en plus aujourd’hui dans le monde du trading : intelligence artificielle, IA, machine virtuelle, machine learning, programmation, robots, algorithmes, big data, automatisation, informatique... Clairement l’ambiance est moins fun ! On est loin de Gordon Gekko ou du Loup de Wall Street.
Le constat est pourtant clair : Wall Street a supprimé 3000 postes en 4 ans, dont une grande partie de traders. Chez Goldman Sachs par exemple, il y avait 600 traders actions en 2000. Ils ne sont plus que 2 aujourd'hui… assistés par 200 programmeurs informatiques !
Mais que s’est-il passé dans cette industrie de haut vol au rythme effréné et aux liasses de billets de 100 dollars ? Qu’en est-il de ce fantasme de trader qui gagne des millions ?
Bienvenue aux robots
Le phénomène se passe de commentaires. Mais il faut bien comprendre une chose. Le métier de trader dans les banques consiste principalement à passer et exécuter des ordres d’achat et vente pour leurs clients. La spéculation y est presque prohibée maintenant à cause de lois récentes qui obligent les banques à réduire leurs risques et surtout de ne plus jouer avec l’argent de leurs clients ! Les traders sont donc devenus de réels “opérateurs de marché” qui ne font qu’appliquer des ordres. Cette activité de “market-making” est maintenant gérée par des ingénieurs financiers et développeurs informaticiens qui créent des algorithmes de trading et placent et exécutent les ordres des clients de façon automatique. Nul besoin d’intervention humaine !
Au-delà de la simple exécution d’ordres, ces modèles statistiques et programmes informatiques absorbent des énormes volumes de données afin de prédire les mouvements de marché et les tendances à venir. Ces machines peuvent ingérer et exploiter toutes les données du web comme des news, des tweets, des rapports, des shows télévisés, des interviews de personnes influentes, etc. Bref, tout ce qui existe sur le web, et ce en continue, 24h sur 24. Tout cela est bien sûr impossible pour un être humain. On voit bien que même pour de la spéculation, pour des sociétés ou fonds de type hedge funds, ces robots peuvent être très intéressants et deviennent même indispensables pour rester à la pointe du secteur.
Par ailleurs, les êtres humains ont des biais qui altèrent leur jugement et leurs décisions. Un algorithme se base sur les données et n’a pas d’apriori ou de sensibilité particulière, il est objectif. De fait, un programme informatique ne fait pas d’erreurs, à part celles “codées” par le programmeur (point à ne pas négliger : avant de programmer il faut pouvoir concevoir une stratégie et connaître le marché).
D’autre part, l’intelligence artificielle permet des économies en salaires et en place. Un ingénieur coûte 5 fois moins cher qu’un trader.. et un ordinateur prend moins de place que 50 traders. Inutile de dire que pour faire baisser les coûts, l’intelligence artificielle n’a que du bon et les banques ne s’en privent pas.
Conséquences
Outre la réduction des effectifs, notamment des traders en salle des marchés, quelles sont les conséquences de cette mort programmée des traders ?
Certaines sont assez inattendues… Il paraît que dans les grandes places financières, comme Londres ou New York, les prix de l’immobilier sont en baisse : les traders et autres gérants de fonds vendent leurs biens ! En effet il n’y a plus de salaires et bonus mirobolants qui permettent d’acheter des biens immobiliers. Tout cela reste encore à être étudié et approfondi mais c’est assez facile à imaginer.
Une autre conséquence se joue sur le marché de l’emploi global. Les plus brillants étudiants, qui allaient majoritairement en finance pour les hauts salaires potentiels, vont se disperser dans d’autres secteurs d’activité. Si les salaires ne sont plus au rendez-vous dans les banques, ils iront piocher ailleurs. Cela est bon pour la société qui bénéficiera des cerveaux brillants de jeunes talents. Ainsi, la tech, la santé ou l’énergie pourront accueillir à bras ouverts les nouveaux arrivants, mais sans leur promettre (et sans pouvoir leur offrir) des salaires extraordinaires.
Quid de l’avenir ?
Que restera-t-il alors des traders d’ici 5 ou 10 ans ? Ce métier va-t-il disparaître ? Le trader est-il mort ?
Pour répondre à cette question il faut d’abord distinguer le type de trader dont on parle. Au niveau de l’exécution pure et dure, il est presque certain que les machines s’en chargeront seules. Pas besoin d’intervention humaine. Les programmes sont plus rapides, plus fiables, plus efficaces. Il faut en revanche des personnes pour créer et maintenir ces algorithmes.
Cela reste moins évident pour les fonctions plus “cérébrales” où la personne doit avoir un avis ou une vision sur le moyen ou long terme sur les marchés et prendre des positions en conséquence. Sur de la spéculation, les robots de trading dominent le très court terme (trading haute fréquence) mais beaucoup moins les horizons de temps plus longs.
Ainsi s’il veut survivre, le trader devra se convertir en réel gérant de portefeuille et avoir nécessairement une vision long terme. Il pourra aussi se spécialiser afin d’être un réel expert et d’apporter une valeur ajoutée.
Quoi qu’il en soit, les jeunes qui souhaitent "travailler en banque” feront mieux de s’inscrire en école d’informatique et apprendre à coder plutôt que de s’aventurer dans une école de commerce ou un master finance !